Légendes et traditions orales

Une aînée raconte :

Je me souviens, dès mon tout jeune âge, que la parole était d’une grande importance dans ma tribu.  Elle était le seul moyen de communication qui servait de lien entre tous les membres.

Je me souviens, comme si c’était hier, que tous les soirs mes grands-parents se lavaient à minuit pile pour se retrouver assis autour du feu avec d’autres vieilles personnes tentées dans le voisinage.  Ils buvaient du thé et mangeaient légèrement.  Bien qu’ils parlaient à voix basse, tel un chuchotement pour ne pas réveiller les enfants, bien des fois je les ai vus et entendus.  Cette coutume, qui se pratiquait seulement dans les bois, se répétait comme une sorte de rituel.

Ainsi rassemblée, les vieilles personnes parlaient de leurs ancêtres, de leurs terrains de trappage, de leurs exploits, de leur savoir-faire.  Ils racontaient de vieux récits qui véhiculaient surtout des légendes mythiques.  Ces légendes transmises de bouche à oreille traduisaient une philosophie de vie montrant des comportements qui expliquaient toujours des faits, des êtres, des choses.  Depuis ce temps, elles n’ont pas déserté ma mémoire ni celle des personnes âgées interrogées.

Au départ les vieilles personnes… ont toutes avoué qu’elles auraient de la difficulté à se rappeler ces légendes puisqu’elles avaient cessé de les raconter depuis un long moment.  Mais conscientes de leur rôle dans la préservation de cette part de leur héritage culturel, leurs langues se sont déliées.  Toutes ces légendes parlent d’activités humaines associées à des phénomènes magiques et mystérieux.

Le nom de « Manitou » est donné à toute nature bonne ou mauvaise supérieure à l’homme.  Les personnages sont individualisés et localisés très souvent.  Les esprits qui résident dans les eaux, les plantes, les bruits, les oiseaux, les animaux, les vents, les astres, etc. sont des manitous de forces égales.  Le plus grand des esprits, l’être suprême est Kitche Manito et le chaman ou sorcier est l’intermédiaire écouté auquel les ancêtres se référaient pour surmonter un adversaire ou un malheur.  (Noël et Siméon, 1997, p. 65-66.)

Dans les sociétés à tradition orale, on a continué à perpétuer et perfectionner la pensée collective par des histoires et des récits transmis de bouche à oreille.

Il est important de préciser que la légende est un récit mettant en scène des personnes et des faits dont aurait été témoin une génération passée.  Ces récits sont transmis le plus fidèlement possible de génération en génération ; ils peuvent cependant se personnaliser selon les conteurs.  Ils mettent en vedette des animaux joueurs de tous, des personnages rusés et des événements qui laissent un enseignement sur l’ordre des choses.

Les Pekuakamiulnuatsh se souviennent de leur vie en forêt.  Ils connaissent de nombreuses histoires transmises par leurs ancêtres.  Ils les ont racontées à travers les générations depuis des millénaires.  Ces légendes sont toujours répétées le plus fidèlement possible, jamais inventées.

Les légendes sont des histoires qui nous viennent du passé et qui sont habituellement racontées par un ancien.  Elles contiennent souvent une morale ou l’explication d’un phénomène naturel ou historique.

La parole reste le premier moyen d’expression de ces récits.  Chaque conteur y va de sa personnalité.  À partir d’un même conte ou légende, il est possible de retrouver des versions légèrement différentes les unes des autres.  De là vient toute la richesse de la tradition orale.  Un conteur peut se souvenir d’un passage alors oublié par un autre.  Ces récits, faits pour être contés et non lus, révèlent un univers bien loin de la réalité.

Pour vraiment apprécier un conte ou une légende, il faut être attentifs aux différents épisodes et aux sons :  les chants d’oiseaux, les battements d’ailes, etc.  Les contes et les légendes nous apprennent au-delà des simples mots.  Le but est de transmettre la culture, d’enseigner les valeurs et de communiquer des messages spirituels.